Une histoire de famille, c’est tout un roman. Péripéties, liens d’amour ou conflits, engagements, jalousies… tout y est ! et c’est le cas pour chaque famille, la vôtre comme la mienne. Le plus puissant et le plus évident des systèmes est bel et bien celui-ci. Pour comprendre ce qui s’y passe, il nous faut entrer dans ses rouages. Si l’arbre généalogique donne les repères nécessaires des liens de parenté dans le temps, le génogramme offre quant à lui une vision beaucoup plus authentique, réunissant tous les éléments, sans tabous ni secrets. C’est précisément cet outil qui permet de comprendre le roman, interroger sa propre place pour écrire la suite avec ce nouvel éclairage et enfin retrouver…la liberté !
Quand l’inconscient familial devient conscient
Le génogramme rassemble tous les membres de la famille, y compris les fausses couches, les enfants illégitimes et les enfants adoptés. Sont également précisés les troubles divers et variés. Tout ce qui peut avoir un effet boule de neige, influencer les relations et l’évolution des individus a sa place dans le génogramme. L’idée n’est pas tant de « chercher la petite bête » que de rendre les informations conscientes. Puisqu’elles existent et comme il n’est plus à démontrer que les liens de famille nous touchent, alors évoquons-les.
Ainsi, en tant qu’individu faisant partie de ce « système familial », et relié à mes parents, grands-parents, frères, sœurs, cousins, oncles et tantes, je prends acte et vibre de toutes ces informations, comme une toile d’araignée que le vent chahute. Loin de me déstabiliser, cette histoire commune m’apporte des connaissances précieuses et indispensables.
Alors, comment s’y prendre ?
Dans un premier temps, il s’agit de rassembler les informations dont on se souvient. La personne qui s’attelle à cette tâche est le centre du système qu’elle va retranscrire. Elle pourra ensuite, pour étoffer ses connaissances et en apprendre davantage, interroger l’entourage. Sur cette carte familiale, chaque membre est représenté par son prénom, son nom et son âge à l’instant t. On y met aussi les personnes qui vivent sous le même toit que la famille, même sans lien de parenté, car ils entrent, de fait, dans le système familial. Puis on ajoute le douloureux : les décès (dates et circonstances), les maladies physiques ou mentales, hospitalisations, conflits, troubles divers, les évènements marquants, les dates clé, les types de relations, conflits ou alliances entre les gens. Anne Ancelin Schutzenberger parle de génosociogramme pour qualifier l’outil ainsi étoffé. Les manques d’informations sont symbolisés par des espaces « blancs ». Il s’agit des tabous, de ce que la famille a voulu passer volontairement sous silence.
3 types de contenus entrent donc dans la composition : le contenu apparent, celui que l’on connait tous et qui se rapproche de l’arbre généalogique, le contenu abstrait, ensemble des valeurs, traditions, attitudes, façons de résoudre les problèmes. Enfin, il y a le contenu caché : les non-dits, les secrets, les personnes oubliées ou mises de côté, les rancunes, les vengeances, les évènements honteux.
Une toile aux multiples liens : sentiments mélangés…
Le schéma global de votre génogramme ainsi conçu peut paraître dans un premier temps fascinant. Comme au cœur d’un travail de biographie, parcourir l’ensemble des éléments qui forment la famille « en lien » procure un sentiment d’appartenance, dérangeant ou réconfortant suivant la situation. Quoi qu’il en soit, je viens de là… Faire face à autant d’informations qui nous touchent permet d’exprimer des sentiments liés à ce qui se joue, se rejoue, à ce qui se cache, etc. C’est aussi dans ces moments d’analyse (accompagnée d’un professionnel) que l’on peut prêter attention à la place que l’on occupe au sein de ce système.
Connaître, reconnaître, dénouer… pour reconquérir sa liberté
Tant qu’une leçon n’est pas comprise, elle se répète. C’est pourquoi, au sein d’une histoire familiale, on peut voir des situations se renouveler de génération en génération : échec amoureux, faillite, maladie, addictions, luttes x ou y…Prendre conscience du contexte et de l’histoire de chacun des membres de notre famille, observer les relations entre tous, origine ou conséquence de ces contextes et de ces histoires, c’est porter un regard neuf sur l’ensemble. Le fameux « pas de côté » pour mieux comprendre. Devenant conscients de tout ce vécu riche et complexe, nous pouvons alors prendre les commandes pour vivre notre propre existence et non celle de nos aïeux. Si les liens n’étaient que répétition, dettes de loyauté, dettes émotionnelles, les révéler offre la possibilité de les couper. En toute bienveillance, nous laisserons à nos parents, grands-parents ou arrières leurs combats, peurs, échecs, deuils non résolus, ou culpabilité… En coupant ces liens, nous nous délestons de poids qui ne nous appartiennent pas.
Former son génogramme permet de court-circuiter des automatismes néfastes pour ne pas reprendre le flambeau de cercles infernaux. Dessiner un tel tableau, c’est commencer à se réapproprier son histoire pour mener sa propre existence, pas celle de ses aïeux. Puis, tout naturellement, écrire un « après » choisi et voulu.
Caroline MAIRAND, biographe
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